La révolution numérique a transformé nos vies, de l’IA à la blockchain, en passant par le Cloud, tout y passe ! Pourtant, un domaine omniprésent échappe encore à cette transformation : le paiement.
Derrière la simplicité d’un paiement sans contact ou d’une transaction via un smartphone, se cache un système archaïque, secret et coûteux.
Mais alors comment se fait-il que ce système ne soit pas encore passé entre les mains des géants de la tech ?
La réponse est simple, le secteur est et a toujours été considérablement contrôlé par un duopole bien connus : Visa et Mastercard.
Leurs réseaux, créés au XXe siècle, sont devenus incontournables à tous types de paiement et servent de base à la majorité des solutions de transactions monétaires modernes, y compris les plus populaires comme Apple Pay ou Google Pay.
En surface, tout semble avoir changé. On paie avec des smartphones, des montres, des QR codes. Cependant, l’innovation et les changements se concentrent uniquement sur l’interface ainsi que sur l’expérience utilisateur, mais jamais sur la structure de base qui reste figée. Et c’est exactement là que se pose le problème : Ce statu quo a un coût élevé !
En Europe, les commissions sur les transactions par carte peuvent atteindre 2,5 % du montant, selon le type de carte, le pays, et le volume du commerçant. Un prélèvement direct sur le chiffre d’affaires des commerçants et, indirectement, sur le pouvoir d’achat des consommateurs. À cela s’ajoutent les délais de compensation, les fraudes qui n’arrêtent pas avec plus de 1,5 milliard d’euros de pertes annuelles en Europe selon l’ECB (European Central Bank), ainsi que les frais liés aux terminaux de paiement. Et cela ne semble déranger personne.
En réalité le défi qui se pose est qu’en apparence, le marché est foisonnant, avec des centaines de fintechs proposant des solutions de paiement. Mais en réalité, la plupart d’entre elles ne sont que des façades ou des extensions qui s’appuient sur les réseaux Visa et Mastercard.
Aucunes n’ont construit d’infrastructures indépendantes. Toutes reposent sur les autorisations des grands réseaux.
Pire encore, même si des initiatives émergent comme l’EPI (European Payments Initiative), elles peinent à s’imposer en raison d’un manque d’indépendance, avec des banques qui sont elles-mêmes bénéficiaires du système actuel.
D’autres ont carrément été bloquées dans leur déploiement. En Allemagne, par exemple, des solutions de paiement direct ont vu leur accès restreint par les banques, au nom de la sécurité ou de la standardisation. Et dans plusieurs pays, des applications sont freinées et rarement intégrés par les acteurs dominants, qui n’ont aucun intérêt à leur laisser de la place
Le monopole est donc technique autant qu’économique.
Pourtant, des modèles alternatifs existent et se développent, qui se débarrassent totalement des cartes de crédit et de leurs réseaux. On pense notamment au paiement « push » de DeluPay, où c’est le client qui initie la transaction au lieu du commerçant, mais aussi au paiement par virement instantané via des API de Satispay, ou encore des solutions comme celles proposées par la fintech Fintecture, qui permet de valider un achat en 30 secondes en magasin.
Enfin, même si des solutions émergent, ce sont les utilisateurs qu’il faut convaincre d’adopter une expérience plus transparente et direct ; et cela en va de l’indépendance de l’Europe.
En effet, lorsqu’une transaction européenne est effectuée, elles passent systématiquement par des serveurs aux États-Unis ou dans des datacenters d’Amazon ou Google. Or avec la montée en puissance des tensions géopolitiques, ce sujet devient stratégique.
Et si l’administration Trump décidait de bloquer ou de taxer l’argent qui circule ? ou que l’utilisation d’applications comme AliPay, WeChat Pay ou TikTok Pay, qui sont contrôlées par la Chine, expose nos transactions à une surveillance. Le scénario n’est pas si lointain et le paiement ne peut pas rester une cible facile pour ce genre de menaces.
Une solution existe, elle est tangible, techniquement possible et opérationnel : il faut repenser le circuit avec un modèle à trois parties (client, commerçant, opérateur) et non à quatre (avec deux banques et un réseau en plus) ; Il faut supprimer les frais inutiles, les délais et les fraudes à répétition. Et rajouter de la transparence, de la simplicité, et de l’efficacité écologique. Sauf que cette solution d’acteur indépendant n’arrange simplement pas les grands acteurs.
Si l’Europe veut reprendre le contrôle de son indépendance économique, c’est le moment de s’imposer, car lorsque le besoin de souveraineté sera urgent, il sera peut-être déjà trop tard pour bâtir une alternative crédible.
Heureusement, des fintechs conscientes des enjeux majeurs de l’avenir du paiement, ont œuvré pour changer un peu les règles du jeu.
Grace à elles, après le paiement sans contact et le paiement mobile, une nouvelle tendance gagne du terrain : le paiement en rayon !
Testée dans plus de 1 750 magasins en France par des enseignes comme Carrefour, Celio, Total Energies (dans les stations essence) ou Etam, cette approche a pour but d’éliminer les files d’attente aux caisses et de libérer les vendeurs.
Des fintechs comme Lyf soutenue par BNP Paribas et Crédit Mutuel ainsi que Fintecture sont au cœur de cette innovation.
Lyf a développé deux solutions pour éviter aux clients le passage à la caisse. Une centrée sur le consommateur et une sur le vendeur. La première fonctionne de la façon suivante : « Après avoir scanné un QR code à l’entrée du magasin, le client est redirigé vers une page où il peut constituer son panier en scannant les produits qu’il souhaite acheter ; Au moment de payer, il est orienté vers un wallet où il peut sélectionner sa carte bancaire, sa carte ticket restaurant ou encore sa carte de fidélité », explique Christophe Dolique, CEO de Lyf.
La deuxième solution, celle centrée sur les vendeurs, repose sur le SoftPos, une technologie qui transforme un simple smartphone en terminal de paiement. « Après le covid, le magasin est revenu en force et les enseignes ont voulu le rendre plus attractif. En supprimant le passage à la caisse, le paiement en rayon libère de la place au sein du magasin, fait gagner du temps aux clients et rend les vendeurs plus polyvalents. Ainsi, avec leur tablette, ou leur smartphone, les vendeurs peuvent enregistrer le panier du client puis procéder au paiement sans contact. Là aussi, les cartes ticket restaurant et de fidélité sont acceptées », assure Christophe Dolique.
La fintech Fintecture, elle, propose une solution basée sur le virement instantané, une option particulièrement intéressante pour les montants élevés, car elle n’est pas limitée par les plafonds de carte.
« Via une API, on est capable de s’intégrer dans les applicatifs du marchand. Le conseiller en rayon peut ensuite générer un lien de paiement que le client va scanner. Celui-ci peut ensuite choisir le compte qu’il souhaite débiter et la transaction est validée après un système d’authentification classique. Au total, cela ne prend que 30 secondes car les coordonnées bancaires des deux parties sont déjà préremplies et la confirmation du paiement est instantanée », détaille Sophie Marot-Remy, responsable marketing et partenariats chez Fintecture. «
Qu’il s’effectue par virement ou par carte bancaire, le principe du paiement en rayon est simple : le client ou le vendeur utilise un QR code ou un smartphone pour enregistrer les articles du panier, puis effectue le paiement directement depuis le rayon.
Si l’utilisation d’un QR code pour payer est une pratique encore récente en France, elle est très utilisée en Asie et notamment en Chine par l’intermédiaire de solutions comme Alipay ou WeChat. Au tour de la France de s’y mettre.
Les premiers retours des commerçants sont très positifs. La marque Etam, qui a étendu le paiement en rayon dans un premier temps dans 100 de ses boutiques françaises, a constaté une nette amélioration.
En automatisant les paiements en rayon et en laissant le temps aux vendeurs de se concentrer sur le conseil client, la marque a réduit le temps d’attente en caisse, mais aussi à mieux fidéliser sa clientèle, et surtout à augmenter le panier moyen du consommateur ; De plus, en termes d’image de marque, on apparait à la pointe de la technologie dans l’esprit de nos clients, nous explique son directeur e-commerce Romain Sabatier. Résultat, fin 2024, le groupe a étendu le paiement en rayon à l’ensemble de ses magasins français. Près de 750 boutiques sont concernées.
Le paiement en rayon demeure pour le moment en phase d’expérimentation. Si elle a fait ses preuves dans les enseignes de la marque Etam en améliorant l’expérience client, il est important de rappeler que l’’adoption de ces nouvelles méthodes de paiement ne relève pas seulement du confort client.
C’est avant tout un enjeu pour l’Europe d’acquérir une indépendance économique mais également de de redonner le contrôle au consommateur et au commerçant en l’éloignant des systèmes traditionnels contrôlés par le duopole Visa et MasterCard.

